Stéphane Garelli : les entreprises vivent moins longtemps que nous
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Stéphane Garelli – Président du conseil d’administration du «Temps»- écrit (11 novembre 2016).
les entreprises vivent moins longtemps que nous
« Les déboires de BlackBerry, Yahoo! ou Twitter nous rappellent que les entreprises, elles aussi, disparaissent. Les grandes entreprises aujourd’hui ne sont pas celles d’hier. Le processus de destruction créatrice si cher à Schumpeter est toujours à l’œuvre. En réalité, il s’accélère
D’après une récente étude de McKinsey, la vie moyenne d’une entreprise cotée sur le S&P 500 était de 61 ans en 1958. Elle est désormais tombée à moins de 18 ans. McKinsey estime qu’en 2027, 75% des entreprises cotées sur le S&P 500 auront disparu. Elles seront soit rachetées, soit fusionnées, soit partiront en faillite comme Enron ou Lehman Brothers. Certaines ont quand même échappé au massacre: General Electric, Exxon Mobil, Procter and Gamble et DuPont sont parmi les plus vieilles cotations sur la bourse de New York. Mais les grandes capitalisations d’aujourd’hui ont de nouveaux noms: Apple, Alphabet, Microsoft ou Amazon.
Pourquoi les entreprises disparaissent-elles? En 1973, l’économiste anglais E. F. Schumpeter se pose la question et publie «Small is Beautiful», un livre dont l’influence fut considérable. Il y dénonce l’inefficacité des grandes entreprises et annonce le mouvement actuel pour un développement plus durable. Il souligne: «Ce qui caractérise l’industrie moderne, c’est qu’elle consomme énormément pour produire si peu… elle est inefficace à un degré qui dépasse toute imagination!».
Une autre raison est peut-être que la taille des entreprises conduit inexorablement à plus de complexité et donc à plus de vulnérabilité. La deuxième loi de la thermodynamique, définie par Sadi Carnot et Rudolf Clausus, stipule que tout système est confronté à des déperditions d’énergie (entropie) et ne peut fonctionner que par un apport constant de cette même énergie. Il en est de même pour les entreprises. Plus elles sont grandes, plus elles demandent une attention et une énergie grandissante pour leur propre fonctionnement. À la fin, elles passent plus de temps à se gérer elles-mêmes qu’à gérer leurs clients.
Le «too big to fail» semblerait protéger certaines grandes entreprises contre le déclin à cause du risque systémique qu’elles font courir à l’économie. Mais, en fin de compte, ce n’est que reculer pour mieux sauter. L’extraordinaire développement des fusions et acquisitions ces dernières années et la consolidation du marché mondial montre à quel point les grandes entreprises restent très fragiles.»