📖 NeuroSciences & Sociétés Plurielles ST815
La compréhension des fonctions du cerveau sur le plan de la réflexion a été au centre du travail des philosophes : pourquoi, quand se déclenchent-elles, s’arrêtent-elles, comment s’enchaînent-elles, comment les ressent-on ?
Les réponses à ces questions, vieilles comme nos civilisations, ont d’abord été abordées par les philosophes de Socrate à Nietzsche en passant par Spinoza, Descartes, Pascal, Kant pour ne donner que quelques points de repère. Il faut reconnaître qu’ils ont été des précurseurs remarquables : Socrate avec ses distinctions des connaissances, Spinoza avec son entendement du circuit de la récompense etc.
Leurs travaux proposent, à notre avis, des hypothèses encore très en avance comme celles de Nietzsche sur la logique dans Le Gai savoir (Société du Mercure de France, 1901).
“ 111. Origine de Ia logique. Comment la logique s'est-elle formée dans la tête de l’homme ? Certainement par I’illogisme dont, primitivement, le domaine a dû être immense. Mais une quantité innombrable d’êtres qui déduisaient autrement que nous ne déduisons maintenant a dû disparaître, cela semble de plus en plus vrai ! Celui qui par exemple ne parvenait pas à découvrir assez souvent les « similitudes », quant à la nourriture, ou encore quant aux animaux qul étaient ses ennemis, celui donc qui établissait trop lentement des catégories, ou qui était trop circonspect dans la subsomption diminuait ses chances de durer, plus que celui qui pour les choses semblables concluait immédiatement à l’identique.
Pourtant c'est un penchant prédominant à traiter dès l’abord, les choses semblables comme si elles étaient identiques - un penchant illogique, en somme, car en soi il n'y a rien d’identique - qui a le premier créé le fondement de la logique. De même, il fallut, pour que se formât le concept de substance, indispensable pour la logique - bien qu’au sens strict rien de tel n'y correspondit - que, longtemps, ce qu'il y a de changeant aux choses ne fut ni vu ni senti. Les êtres qui ne voyaient pas très exactement avaient une avance sur ceux qui voyaient les « fluctuations » de toute chose. En soi toute extrême circonspection à conclure, tout penchant sceptique est d’un grand danger pour la vie. Aucun être vivant ne se serait conservé si le penchant contraire d'affirmer plutôt que de suspendre son jugement, de se tromper et de broder plutôt que d'attendre, d'approuver plutôt que de nier, de juger plutôt que d’être juste, n'avait développé d'une façon extrêmement intense. La suite des pensées et des déductions logiques, dans notre cerveau actuel, correspond à un processus, à une lutte d'instincts, en soi fort illogiques et injustes ; nous ne percevons généralement que le résultat de la lutte, tant cet antique mécanisme fonctionne maintenant en nous [de manière] rapide et cachée.” Nietzsche. le Gai savoir, Livre II, 111.
🚩 Il en découle toutes sortes d’interrogations mais aussi des éclairages puissants et dérangeants .