Contraintes et particularités architecturales par Patrick Sadoun ANCREAI

Patrick Sadoun est le père d'un jeune adulte avec un autisme. Il est l'initiateur de la création d'un foyer innovant en matière d'architecture et d'aménagement : Le foyer de Chaumont. Il tire les enseignements de son expérience. À noter qu'il s'appuie sur les travaux de Temple Grandin.


Quelques normes architecturales proposées par P. SADOUN : extraits

Il s’agit pour les architectes de tenir compte d’impératifs de sécurité (et de budget) tout en veillant à éviter les aménagements anxiogènes. Patrick Sadoun.

1) Sécurité :

- Le périmètre du site doit être clôturé avec un digicode d’accès. De même pour les différents bâtiments.
- Il est préférable que les bâtiments soient de plain-pied. Sinon prévoir un dispositif pratique de blocage partiel de l’ouverture des fenêtres des étages qui permette l’aération tout en empêchant de passer par la fenêtre.
- Prévoir un limitateur de température de l’eau chaude.
- Eviter systématiquement les angles saillants sur lesquels certains résidents en crise pourraient se blesser.
- Choisir partout des vitres antichoc qui puissent résister aux colères et ne blessent pas en se brisant.
- Les vitrages ne doivent jamais descendre jusqu’au sol (pour éviter la confusion dedans/dehors, les peurs et vertiges).
- Ne pas choisir un site bruyant (près d’une autoroute, une voie ferrée etc)
- Ne pas placer les parkings en dessous des fenêtres des chambres.
- Choisir un système de ventilation complètement insonorisé.
- Construire les bâtiments de telle sorte qu’ils soient suffisamment frais en été pour pouvoir se passer d’une climatisation. C’était le cas avec les bâtiments en pierre d’autrefois. Aujourd’hui on peut imaginer différentes possibilités, par exemple, pour les murs extérieurs, un double mur en parpaings avec un vide d’air au milieu. C’est plus cher au départ mais on économise ensuite en frais de chauffage et de climatisation.
- Prévoir un système de purge efficace et pratique du chauffage central afin d’éliminer les bruits de tuyauterie.
- Choisir pour les sanitaires une robinetterie de qualité et avec laquelle les joints soient faciles à changer : le bruit de la goutte d’eau peut être une véritable torture.
- Mettre systématiquement des butées derrière les portes et un dispositif fixe d’insonorisation des portes qui claquent (pastilles en caoutchouc ?).
- Insonoriser les chambres, par exemple avec de grands placards ou le cabinet de toilette privatif juste après la porte d’entrée, insonoriser les cloisons entre les chambres.
- Toutes les fenêtres doivent être à double vitrage (avec isolation phonique).
- Insonoriser les lieux de vie : un autiste est vite saturé par des sources sonores
multiples (qu’il ne sait pas hiérarchiser) et l’effet de brouhaha lui est très pénible. Ne pas oublier l’insonorisation des tables et des chaises.
- Insonoriser les endroits où fonctionnent des machines à laver ou des instruments bruyants ou les placer loin des lieux de vie des résidents.
- Encastrer systématiquement les conduits d’eau, de chauffage et d’électricité afin d’éviter qu’ils ne soient arrachés.
- Choisir plutôt un chauffage par le sol.
- Prévoir des robinets d’arrêt suffisamment nombreux pour pouvoir intervenir sur un élément sans condamner tout un bâtiment. En particulier installer des vannes eau chaude/eau froide à l’extérieur de chaque chambre individuelle.
- Prévoir pour tous les sanitaires des siphons faciles d’accès pour le personnel d’entretien et des tuyaux d’évacuation des eaux usées assez larges (60 mm de diamètre plutôt que 40). Prévoir des grilles de filtrage fixes au départ de toutes les évacuations.
- Prévoir des disjoncteurs différentiels sur toute l’installation électrique pour éviter les risques d’électrocution.
- Ne jamais utiliser de matériaux fragiles (comme le Placoplatre fixé sur rails) pour les cloisons. Elles seraient rapidement détruites. Idem pour les portes et les radiateurs, ne jamais mégoter sur leur solidité.

2) Eviter les intrusions par les bruits :

La plupart des autistes sont hypersensibles aux bruits, certains pouvant même provoquer de véritables terreurs :
- Ne pas placer de grandes baies vitrées qui, le soir, fassent effet de miroir.
- Aménager dans tous les lieux de vie des recoins (ou des mezzanines) dans lesquels certains pourront être présents sans être vus.
- Ne jamais construire de longs couloirs rectilignes qui exposent trop au regard et renforcent l’agoraphobie.
- Toujours privilégier les formes arrondies.
- Eviter les culs de sac et les couloirs trop étroits.
- Dans les chambres le lit ne doit pas être visible depuis la porte d’entrée. Cela permet en outre de préserver l’intimité des résidents.
- Dans les salles de bains, prévoir des rideaux coulissants sur une tringle devant les miroirs pour ceux qui ne supportent pas leur image.
- Eviter les instruments de nettoyage bruyants (aspirateurs, monobrosses) ou prévoir les heures de ménage quand les résidants ne sont pas là.

3) Eviter les intrusions par les lumières :

- Proscrire tout dispositif instable : néon, fluorescence.
- Lumière plutôt teinte orangée que blanche crue.
- Variateurs d’intensité (solides) dans les chambres et lieux de vie.
- Eclairage indirect (appliques solides par exemple) plutôt que plafonniers.
- Veilleuses basse intensité dans les chambres et les couloirs (avec interrupteurs pour ceux qui n’en ont pas besoin).
- Volets roulants avec possibilité d’avoir au choix une obscurité complète ou une lumière du jour filtrée.
- Couleur des revêtements muraux: chaleureuses sans être criardes (donner une impression de tiédeur). Utiliser des peintures lessivables.

4) Eviter les intrusions par le regard de l’autre ou de soi-même :

La plupart des autistes ne supportent pas le regard de l’autre ou leur propre reflet dans le miroir. C’est parfois tellement insupportable pour eux qu’ils peuvent en arriver à se frapper les yeux jusqu’à se rendre aveugles. Une des hypothèses pour essayer d’expliquer ce phénomène dramatique est que, n’ayant pas une claire et solide perception intériorisée d’eux-mêmes l’autre serait vécu comme tout-puissant, intrusif, voire persécuteur. C’est aussi pour cela qu’ils auraient peur du contact avec l’autre. Quant à leur reflet dans le miroir il augmenterait la confusion d’un monde vécu comme chaotique. Quoi qu’il en soit des explications des uns et des autres il est indispensable de prendre un certain nombre de précautions :

- Prévoir des sas pour faciliter le passage de l’extérieur à l’intérieur d’un bâtiment (et vice-versa) : ces petites pièces, avec une porte donnant sur l’extérieur et l’autre, du côté opposé, vers l’intérieur du bâtiment, serviront en même temps de vestiaires et d’isolation thermique.
- Une couleur (des murs extérieurs) par pavillon.
- Lieux de vie distincts des lieux d’activités.
- Identifier clairement chaque lieu (pictogramme ou autre).
- Bâtiments à distance suffisante les uns des autres.
- Prévoir dans les couloirs, les lieux de vie et les chambres des horloges numériques complètement silencieuses qui indiquent le nom du jour, le mois et l’année (ex : mercredi 21 juin 2006).
- Prévoir, dans les chambres et tous les lieux de vie des panneaux d’affichage avec le planning pictogramme des activités individualisées de la semaine. Penser aussi à l’affichage des menus, si possible avec des pictogrammes.
- Prévoir un carillon programmable, discret et mélodieux, pour signifier par de petites mélodies distinctes les différentes étapes de la journée.
- Une variation générale et programmée de l’intensité lumineuse des lieux de vie pourra être utilisée pour indiquer des changements de rythme de vie.
- Une variation générale et programmée de l’intensité lumineuse des chambres pourra être utilisée comme réveil.
- Organiser un jalonnage des itinéraires selon les remarques de M. Luc Renoux : « Un mot du jalonnage des itinéraires : certains autistes ont des problèmes de désorientation, d’autres ont la phobie des espaces et doivent se déplacer en longeant les murs.
Générer un code unique dans toute l’institution indiquant le passage de l’intérieur vers l’extérieur. Je propose que les faces intérieures des portes qui donnent sur le dehors du lieu soient, vues du dedans d’un lieu, toutes de la même couleur. La face intérieure de la porte de ma chambre est verte, elle donne sur le salon. Quand je suis au salon, toutes les portes sont de couleurs différentes, mais la porte verte est celle qui donne sur le couloir, en bas de l’escalier la porte verte est celle qui donne sur la cour. Penser les itinéraires des personnes qui longent les murs.
• Le « rail » (paroi contre laquelle la personne se plaque pour se déplacer) ne doit jamais surplomber le vide. Donc, si on est obligé de mettre des bacs, des plantes vertes ou des meubles bas, les mettre du coté des parois à fenêtres pour laisser les parois sans fenêtre remplir leur fonction de rail.
• Ne pas mettre le long d’un rail de poignées de porte qui accrochent et qui arrachent les poches et déchirent les pulls. Mettre des poignées boules.

5) Faciliter le repérage dans le temps et dans l’espace :

- Prévoir des sas pour faciliter le passage de l’extérieur à l’intérieur d’un bâtiment (et vice-versa) : ces petites pièces, avec une porte donnant sur l’extérieur et l’autre, du côté opposé, vers l’intérieur du bâtiment, serviront en même temps de vestiaires et d’isolation thermique. - Une couleur (des murs extérieurs) par pavillon. - Lieux de vie distincts des lieux d’activités. - Identifier clairement chaque lieu (pictogramme ou autre) - Bâtiments à distance suffisante les uns des autres. - Prévoir dans les couloirs, les lieux de vie et les chambres des horloges numériques complètement silencieuses qui indiquent le nom du jour, le mois et l’année (ex : mercredi 21 juin 2006). - Prévoir, dans les chambres et tous les lieux de vie des panneaux d’affichage avec le planning pictogramme des activités individualisées de la semaine. Penser aussi à l’affichage des menus, si possible avec des pictogrammes. - Prévoir un carillon programmable, discret et mélodieux, pour signifier par de petites mélodies distinctes les différentes étapes de la journée. - Une variation générale et programmée de l’intensité lumineuse des lieux de vie pourra être utilisée pour indiquer des changements de rythme de vie. - Une variation générale et programmée de l’intensité lumineuse des chambres pourra être utilisée comme réveil. - Organiser un jalonnage des itinéraires selon les remarques de M. Luc Renoux : « Un mot du jalonnage des itinéraires : certains autistes ont des problèmes de désorientation, d’autres ont la phobie des espaces et doivent se déplacer en longeant les murs. Générer un code unique dans toute l’institution indiquant le passage de l’intérieur vers l’extérieur. Je propose que les faces intérieures des portes qui donnent sur le dehors du lieu soient, vues du dedans d’un lieu, toutes de la même couleur. La face intérieure de la porte de ma chambre est verte, elle donne sur le salon. Quand je suis au salon, toutes les portes sont de couleurs différentes, mais la porte verte est celle qui donne sur le couloir, en bas de l’escalier la porte verte est celle qui donne sur la cour. Penser les itinéraires des personnes qui longent les murs. • Le « rail » (paroi contre laquelle la personne se plaque pour se déplacer) ne doit jamais surplomber le vide. Donc, si on est obligé de mettre des bacs, des plantes vertes ou des meubles bas, les mettre du coté des parois à fenêtres pour laisser les parois sans fenêtre remplir leur fonction de rail. • Ne pas mettre le long d’un rail de poignées de porte qui accrochent et qui arrachent les poches et déchirent les pulls. Mettre des poignées boules. • Prévoir des « ponts », à savoir des endroits où il est aisé en deux ou trois pas de changer de rail pour ne pas avoir à traverser une grande salle ou une cour. • Dans les espaces extérieurs conserver la logique du rail, certains feront un détour afin de longer un bâtiment ou une haie pour aller d’un bâtiment à un autre. Aménager les bordures de bâtiments servant de rail afin d’éviter que les personnes ne marchent dans les rosiers, ou ne glissent dans la boue. Eviter les bordures de fenêtres en surplomb à hauteur de tête. Des gouttières pour éviter que les personnes ne reçoivent toute l’eau du toit seraient une louable attention. »

6) Faciliter la construction du sujet : - Mettre son prénom et son nom (ou seulement la première lettre de son nom si les textes réglementaires rendent l’anonymat obligatoire) sur la porte de sa chambre.
- L’accès à la chambre doit être personnalisé pour renforcer l’identité de chacun : couleurs différentes, carillons différents, lanternes de seuil, etc…Il doit être clair, quand on franchit cette porte, qu’on n’est plus dans un espace public mais chez quelqu’un.
- Lui confier la clef de sa chambre s’il est capable de la garder. Le personnel aura un passe de toutes les chambres, ce dont le résident sera informé.
- Prévoir deux grands placards indépendants et fermants avec deux clefs différentes dans chaque chambre. Le personnel aura bien-sûr un même passe pour tous les placards. L’usager pourra garder ses clefs s’il en est capable. S’il met régulièrement ses placards en désordre on laissera (provisoirement) dans l’un, toujours fermé à clef, les affaires dont il n’a pas besoin pendant une saison donnée.
- Laisser la possibilité aux résidents d’avoir un ameublement personnalisé des chambres.
- Prévoir dans chaque chambre un grand tableau Veleda qui permette une libre expression personnelle ou un échange avec des éducateurs.
- Bien entendu les chambres sont individuelles et ont toutes une salle de bain complète : lavabo, cabine de douche à jets latéraux multiples, WC.
- Prévoir assez de place dans la salle de bain pour qu’un éducateur puisse être présent en cas de nécessité. Prévenir les inondations en carrelant murs et sols et en faisant converger l’eau vers un siphon dans le sol. Prévoir aussi la possibilité d’ouvrir de l’extérieur les portes verrouillées des salles de bains et des WC.
- Tous les WC de l’établissement sont des lieux particulièrement importants, terrifiants pour beaucoup car c’est là qu’ils voient disparaître dans un gouffre ce qu’ils appréhendent comme une partie d’eux-mêmes. Le dressage à la propreté ne fait que renforcer ces terreurs et provoque le plus souvent des désordres intestinaux chroniques. Pour amoindrir ces angoisses de séparation et d’engloutissement il est recommandé de choisirdes cuvettes comme en Allemagne ou en Suisse, où les matières fécales reposent bien visiblement sur une petite plate-forme jusqu’à ce qu’on tire la chasse. Il faut aussi prévoir des pièces suffisamment grandes car beaucoup d’autistes ne peuvent pas s’y rendre sans être accompagnés. On pourra se référer aux normes de superficies des toilettes pour handicapés moteurs. Par ailleurs prévoir des seaux hygiéniques pour tous ceux qui ne peuvent pas franchir la porte des WC.

- Le contact de l’eau est apaisant et, de plus, c’est l’élément idéal pour les psychomotriciens pour faire prendre conscience aux personnes souffrant d’autisme de leurs limites corporelles. Prévoir donc dans les foyers une salle de bains avec une baignoire à bulles dans chaque unité de vie. Prévoir aussi un bassin thérapeutique.des cuvettes comme en Allemagne ou en Suisse, où les matières fécales reposent bien visiblement sur une petite plate-forme jusqu’à ce qu’on tire la chasse. Il faut aussi prévoir des pièces suffisamment grandes car beaucoup d’autistes ne peuvent pas s’y rendre sans être accompagnés. On pourra se référer aux normes de superficies des toilettes pour handicapés moteurs. Par ailleurs prévoir des seaux hygiéniques pour tous ceux qui ne peuvent pas franchir la porte des WC.
- Prévoir une salle pour un espace Snoezelen.

7) Faciliter les échanges :

- Eviter l’effet de masse particulièrement dur à vivre pour les autistes : les foyers doivent accueillir au plus une vingtaine de personnes, vingt quatre au grand maximum. Ils doivent être divisés, pour la partie hébergement, en unités de vie indépendantes (avec cuisine pouvant fermer à clef, salle à manger, séjour, salle de bain et espaces techniques) pour quatre à six résidents.
- Prévoir dans certaines unités de vie (pour adultes) des portes communicantes entre deux chambres afin de permettre une vie de couple quand c’est possible.
- Installer un très grand tableau Veleda dans le séjour ou le hall de chaque unité de vie afin de faciliter l’expression picturale de chacun.
- Prévoir la possibilité de transmission Wifi dans les chambres pour ceux qui veulent avoir accès à l’internet.
- Prévoir des prises pour la télévision dans toutes les chambres (même si beaucoup ne l’utiliseront pas).
- Tous les locaux d’activités doivent être évolutifs (eau, électricité, réseaux).
- Bâtiment d’accueil pour famille ou stagiaires dans un emplacement suffisamment extérieur.
- Aménager une grande salle polyvalente (insonorisée) permettant, entre autres, d’accueillir des visiteurs pour des fêtes.

Conclusion :

La réflexion sur les spécificités architecturales des bâtiments accueillant des personnes souffrant d’autisme ne fait que commencer. Il faudra la confronter à l’épreuve de la pratique et, surtout, il faudra se donner les moyens d’organiser et de centraliser les échanges afin de ne pas répéter indéfiniment les mêmes erreurs mais au contraire de permettre à tous de bénéficier des expériences des uns et des autres. En attendant j’espère que ces quelques pages éclaireront le travail des architectes. “

81 SADOUN P. (2006) Réflexions sur l’architecture des établissements. Revue Sésame, n°160, pp. 13- 15 Nos remerciements à l'association Sésame Autisme et à l'auteur pour l'autorisation de cette longue citation de texte.